AJA : récit d’un échec

C’est un club que vous connaissez tous, et que vous appréciez peut-être. Vous n’êtes pas sans savoir que les Bourguignons sont passés près du pire cette saison. Mais comment cela a-t-il pu arriver et surtout que s’apprête à faire Auxerre pour redresser la barre ? Vous verrez que la nouvelle romance luxembourgeoise des Icaunais a bien failli tourner à la tragédie… Flash-back.
19 avril 2013 : le sauvetage inespéré ?
C’est en fin de saison 2012-2013 que tout a commencé. Alors que l’AJA s’apprêtait à terminer sa première saison en Ligue 2 depuis la descente, le club est dans une situation financière extrêmement délicate. Ayant vendu Meïté au LOSC lors du précédent mercato hivernal, Gérard Bourgoin, Président de l’époque, avait réussi à calmer la DNCG. Mais ce qu’il fallait, c’était un repreneur. Et, si les entrepreneurs locaux ont tout fait pour réunir la somme de 5 millions d’euros nécessaire à la survie de l’AJA, ce sont finalement les Luxembourgeois de Centuria Capital qui prennent en main le club et deviennent actionnaire majoritaire du club. Et ce 19 avril 2013, ils placent Guy Cotret, ancien banquier et Président du Paris FC, à la tête du club.
10 juin 2013 : des arrivées et un cap fixé
Elles sont 5, et elles arrivent le même jour sur les bords de L’Yonne. Trois noms ronflants de Ligue 2 (Aït Ben Idir, Marester, Viale) ainsi que deux jeunes (Staerk-Weille, Boé-Kane) débarquent. C’est l’occasion pour Guy Cotret de fixer un objectif à l’AJA. Et le moins qu’on puisse dire est que, malgré la nécessité économique qu’à l’AJA de remonter en Ligue 1, le Président n’est pas très ambitieux, visant une remontée en deux ou trois saisons… Alors que le budget est alors fixé à 17 millions, soit le deuxième montant du championnat.
16 juin 2013 : le grand ménage ?
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase des anciens de l’AJA. Alors que Gérard Bourgoin et Jean-Claude Hamel, deux anciens Présidents, avaient déjà logiquement quitté les bureaux, c’est au tour de Christian Henna et Raphaël Guerreiro, respectivement entraîneurs U19 et directeur de centre de formation/entraîneur CFA de prendre la porte. Si ce dernier parle d’un « sentiment d’injustice », C.Henna dénonce clairement que sa proximité avec Guy Roux, coach emblématique de l’AJA, dérangeait au sein de la nouvelle direction. Et c’est la seule explication crédible que l’on puisse trouver tant les résultats de Henna étaient excellents avec ses U19, lui qui avait emmené les jeunes au titre de champion de France en 2011-2012 et à la 3ème place du tournoi final en 2012-2013.
C’en est trop pour Guy Roux qui, toujours présent au club auprès des très jeunes, vide son bureau et claque la porte. On notera quand même qu’un homme de l’ancienne direction, et surtout très apprécié de Guy Roux, est conservé. Il s’agit de Bernard Casoni, l’entraîneur de l’équipe première, qui avait sauvé l’équipe de la relégation immédiate en National en remplacement de Jean-Guy Wallemme. Mais vous allez voir que conserver un entraîneur ne vaut pas toujours grande confiance…
En attendant, le Président place ses hommes. Jean-Marc Nobilo, ancien entraîneur du Havre entre autres, est nommé directeur du centre de formation. Fabrice Herrault est quant à lui nommé directeur général. Cependant, là aussi, c’est des hommes en qui on a le plus confiance qu’il faut vraiment se méfier…
9 août 2013 : les anciens dirigeants, non, mais les anciens joueurs, oui !
Après une préparation catastrophique sans aucune victoire, l’AJA se doit de réagir. Bernard Casoni ne cesse de répéter qu’il veut un ailier et un buteur, et surtout qu’il ne s’en sortira pas sans ça. D’autant plus qu’il a reçu un refus net de la direction sur le recrutement qu’il désirait au milieu, à savoir Jérôme Rothen qui ira finalement rejoindre Caen. Pour satisfaire les demandes prioritaires du coach, c’est à deux anciens que l’AJA fait appel. Lynel Kitambala en pointe, prêté par Saint-Etienne, ainsi que Frédéric Sammaritano, laissé libre par Ajaccio. Dans le même temps, le jeune champion du monde U20 Axel Ngando est prêté en Bourgogne.
14 novembre 2013 : la rébellion des pions
Parachutage. C’est le mot. Après une demi-saison laborieuse mais pas encore catastrophique pour l’AJA, la question de la prolongation ou non de Bernard Casoni se pose dans les bureaux. Comme tout le monde semble le savoir et le sentir, le Président n’a vraiment aucune envie de précipiter la prolongation du coach corse… Ce qui n’est pas du goût de son binôme, Fabrice Herrault, le directeur général du club. D’autant plus que Bernard Casoni est apprécié de tous au club, que ce soit des joueurs ou de l’encadrement à tous les niveaux. Solution radicale pour les actionnaires qui démettent Fabrice Herrault de son poste pour l’envoyer parcourir le monde à « trouver des millions » pour l’AJA… Un joli prétexte pour éloigner un homme du club qu’il dirige, non ?
Côté terrain, Olivier Sorin se blesse gravement fin 2013. Alors qu’elle ne s’est toujours pas trouvée du buteur au niveau, l’AJA va alors devoir revoir ses plans sur le poste-clé de l’équipe, car elle perd là son premier gardien mais aussi son leader. Elle ne va pas non plus tarder à perdre Paul-Georges Ntep, son meilleur joueur, contre le souhait de Bernard Casoni de le conserver jusqu’à la fin de la saison. Mais les 6 millions d’euros qu’offre Rennes sont nécessaires à la survie financière du club… Encore faut-il que le club se sauve sportivement ! Et, faute de mieux et à contre coeur pour le Corse, c’est le jeune Alassane Pléa qui vient comme « remplaçant » de Ntep pour la deuxième partie de saison, alors que Geoffrey Lembet signe au club pour suppléer Donovan Leon dans les buts.
17 mars 2014 : le tournant (tant) attendu
Les mauvaises langues diront qu’il n’attendait que ça… Les autres diront que ce n’est sans doute pas totalement faux ! Alors que de l’AJA vient de s’incliner 3-0 à Laval et de descendre à 17ème place, Guy Cotret met à pied Bernard Casoni et appelle Jean-Luc Vannuchi à la rescousse. Pratique courante dans des clubs professionnels en difficulté. Mais est-elle toujours aussi courante quand on sait que c’est un entraîneur de CFA qui vient pour tenter de sauver un cador financier de Ligue 2 ? Et l’est-elle quand on sait que cet entraîneur n’est autre que l’ancien entraîneur du Paris FC, anciennement présidé par Guy Cotret ? Ainsi soit-il : l’AJA doit faire avec, et le club repart de loin. Sans fond de jeu, sans joueur en forme, sans buteur… S’en sortir semble mission impossible. Mais ne dit-on pas que l’argent fait le bonheur ?
2-16 mai 2014 : quand l’AJA achète son maintien
C’est une information de Francebleu Auxerre relayée par Auxerre TV qui a fait peu de bruit sur la scène nationale de la Ligue 2 mais beaucoup chez les supporters de l’AJA. Après la 34ème journée de Ligue 2, l’AJA est 18ème et vient d’enchaîner 5 matchs sans victoire. Il faut réagir. En secret, et à 4 matchs, la direction du club va user de sa dernière cartouche pour ne pas tomber en National et être menacé d’un dépôt de bilan qui signifierait la mort de l’AJA. Si la carotte fait avancer l’âne, c’est l’argent qui fait avancer le footballeur, et on en a eu la preuve à l’Abbé Deschamps cette saison. Au bord du gouffre, le Président Cotret aurait proposé un arrangement en primes à ses joueurs. Sur les 4 dernières rencontres, chaque point gagné leur rapporterait 1000€ de primes bonus chacun. Depuis, l’AJA s’est malencontreusement effondré à Niort avant d’enchaîner deux victoires et un nul. La facture est salée, puisque le total des primes s’élève à 112 000€. Mais que sont ces 112 000€ en comparaison des 5 millions investis un an auparavant ? Il n’y a aucun doute : la direction ne regrette sûrement pas d’avoir mis la main à la poche.
Juin 2014 : des motifs d’espoir…
Le maintien est acquis et l’AJA sera encore professionnelle la saison prochaine. Dotée d’un budget satisfaisant de 12M d’€, les Icaunais vont pouvoir se battre avec de nouvelles armes puisqu’une grande partie des cadres s’en vont en fin de contrat. D’autant plus que le meilleur joueur de la seconde partie de saison, diminué en première partie, sera encore là. Il s’agit de Frédéric Sammaritano. Vous n’êtes pas sans savoir que, après avoir déjà lancé quelques jeunes cette saison, l’AJA aura la joie de pouvoir en tester d’autres en puisant dans ses petits U19 qui viennent de remporter la 7ème Gambardella du club. On peut aussi noter que les supporters auxerrois pourront peut-être découvrir le vrai Jean-Luc Vannuchi et surtout son vrai projet, lui qui ne cessait de clamer que son jeu de fin de saison, très défensif, ne lui ressemblait pas et avait pour seul but de sauver le club de la relégation.
…et des incertitudes
Les problèmes, c’est devenu le quotidien de l’AJA. Le budget satisfaisant de 12M doit d’abord être ôté de presque 4 millions d’euros qui vont servir exclusivement au fonctionnement du centre de formation flambant neuf. C’est donc extrêmement coûteux. D’autant plus que l’AJA a prévu un budget en déficit, espérant vendre des joueurs au cours de la saison… Or, il semble compliqué de voir des joueurs aux valeurs marchandes assez intéressantes dans l’effectif de l’AJA pour le moment. De plus, il semble selon certains observateurs que le club soit encore gangrené par des anciens hommes de Guy Roux avec qui il garde de très bons contacts. Le consultant de Canal + chercherait-il à mettre des bâtons dans les roues de la direction ? C’est en tout cas ce que craignent beaucoup de supporters auxerrois.
Bygmalion, l’interrogation
Ne vous y trompez pas : vous êtes toujours en train de lire un article sur l’AJ Auxerre. Si vous n’avez pas entendu parlé de Bygmalion, il s’agit d’une société de communication. L’une de ses filières aurait participé à des abus de biens sociaux au profit de Jean-François Copé, Président de l’UMP, pendant la compagne électorale de 2012. Mais revenons sur l’AJA. Il s’est avéré que la société Bygmalion n’est autre qu’une société qui a été fondée grâce à un investissement de 1,6 million d’euros de Centuria Capital… Le rapprochement est-il fait ? Vous n’avez peut-être pas bonne mémoire : Centura Capital est la société qui est devenue actionnaire majoritaire de l’AJA il y a un an. D’ailleurs, l’un des fondateurs de Bygmalion, Guy Alvès, était membre du Conseil d’administration de la SAOS AJA football jusqu’au 29 mai dernier où, éclaboussé par cette affaire, il décide de laisser son siège à l’AJA. Selon le Président de l’AJA, l’affaire n’a rien à voir avec Auxerre. Mais on peut se poser des questions quand on sait qu’Emmanuel Limido, patron de Centuria Capital et donc propriétaire de l’AJA pourrait lui aussi être mêlé à l’affaire…
La saga de l’AJA est définitivement loin d’être ordinaire…
Fabien.F